Longtemps Leos Carax fut l’enfant prodige du cinéma français.
Auteur d’un film monstre et mythique "Les amants du Pont neuf"
avec Juliette Binoche sorti en 1991 (qui faillit l’engloutir tant le
projet était pharaonique), il avait déjà dans les années 80 tourné
"Mauvais sang" qui traitait métaphoriquement du sida et fut le film
qui le révéla comme l’un des jeunes cinéastes qui marchait dans
les pas de Jean-Luc Godard.
Au fond, Leos Carax qui a aujourd’hui soixante ans, n’a que peu tourné : tandis que vient de sortir "Annette" son dernier film en ouverture de la Compétition officielle de Cannes 2021 et projeté aussi dans les bonnes salles, son précédent film "Holy motors" datait déjà de 2012.
Comment présenter autrement "Annette" sinon comme un Opéra rock ou disons un Opéra pop tant les partitions commandées à ce vieux groupe américain "les Sparks" baignent l’ensemble de cette création d’une durée de 2h20 avec puissance et onctuosité ?Dès l’ouverture du long métrage et son plan séquence presque infini,
galvanisant, on se réjouit qu’avec ce seul film, Leos Carax pourrait -
fantasme ! - remplir notre faim gargantuesque de cinéma. Ensuite, c’est autre chose : comme dans "the phantom of paradise" de Brian de Palma, la destinée tragique du couple formé par les intenses Adam Driver et Marion Cotillard, fait fresque !
...Mais là où de Palma était capable, en revisitant le mythe du fantôme de l’opéra de concevoir une géniale et dantesque dramaturgie, Carax fait-il autre chose avec ses images somptueuses que brasser les symptômes d’une époque pleine jusqu’à la gueule de narcissisme et de ressentiments, la nôtre ? Dès lors, Annette ne parviendrait pas à dépasser sa matière, et d’une œuvre semblant sonder les abysses, faute d’un scénario solide, reste une œuvre splendide de surface, prise au piège de son propre spectacle.
François Derquenne,
Responsable de la programmation
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